Les quasars poussiéreux se font-ils passer pour des candidats à la sphère de Dyson?
https://physicsworld.com/a/are-dusty-quasars-masquerading-as-dyson-sphere-candidates
Des preuves d’une surabondance de radiation infrarouge de sept candidats à la sphère de Dyson pourraient être une erreur d’identité, avec des galaxies lointaines et poussiéreuses repérées près de trois d’entre eux.
Les sept candidats ont été découverts par le Projet Hephaistos, coordonné par des astronomes de l’Université d’Uppsala en Suède et de l’Université Penn State aux États-Unis.
Une sphère de Dyson est une construction hypothétique : une nuée de collecteurs d’énergie capturant toute l’énergie rayonnante d’une étoile pour fournir de grandes quantités de puissance à ses constructeurs. Ces collecteurs d’énergie – essentiellement de grandes rangées de panneaux solaires – absorbent la lumière du soleil et doivent émettre de la chaleur résiduelle sous forme de radiation infrarouge pour éviter la surchauffe. Bien qu’une nuée complète de Dyson cacherait une étoile à la vue, cette chaleur résiduelle serait encore détectable.
Le problème est que pour construire une nuée complète de Dyson, beaucoup de matières premières sont nécessaires. Dans son article de 1960 décrivant le concept, Freeman Dyson a calculé que le démantèlement d’une planète géante gazeuse comme Jupiter devrait suffire.
Étant donné que cela est plus facile à dire qu’à faire, le Projet Hephaistos cherche des nuées de Dyson incomplètes « qui ne bloquent pas toute la lumière des étoiles, mais une fraction », explique Matías Suazo de l’Université d’Uppsala, qui dirige le projet.
L’équipe de Suazo a recherché cinq millions d’objets dans les données d’archives de Wide-field Infrared Survey Explorer (WISE) de la NASA et de Two Micron All-Sky Survey (2MASS), les a vérifiés par photométrie, et les données de distance accumulées par la mission Gaia de l’Agence spatiale européenne. Cela a abouti à sept candidats présentant un excès infrarouge suspect, comme rapporté dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Tous les candidats sont des naines M, qui sont les plus petites, les plus froides et les plus courantes types d’étoiles dans l’Univers. La plus proche se trouve à 466 années-lumière.
Disques de débris et Hot DOGs
Cependant, des questions se sont maintenant posées sur la véritable nature de ces candidats.
« Ils pourraient être un phénomène astrophysique tel que des disques de débris extrêmes, ou quelque chose de plus exotique », déclare Ann Marie Cody, astronome à l’Institut SETI en Californie, qui n’est pas impliquée dans le Projet Hephaistos, mais a mené sa propre recherche de nuées de Dyson. « Cependant, les données publiées jusqu’à présent ne peuvent pas discriminer entre ces scénarios. »
Les disques de débris sont les restes poussiéreux de la formation de planètes, mais bien que de nombreuses naines M aient été trouvées avec des planètes, seules quelques-unes ont été trouvées avec des disques de débris importants, ce qui rend Suazo sceptique quant à l’explication des disques de débris.
« Dans les observations, les disques de débris de naines M sont vraiment rares », déclare Suazo à Physics World. « Il existe différentes théories à ce sujet, y compris des biais d’observation, des mécanismes de formation, et ainsi de suite. Les quelques cas confirmés sont dans le domaine submillimétrique/radio, ce qui signifie qu’ils sont beaucoup plus froids que la plage de température de nos modèles. »
Tongtian Ren et Michael Garrett du Centre d’astrophysique de Jodrell Bank à l’Université de Manchester, ainsi qu’Andrew Siemion de Breakthrough Listen et de l’Université d’Oxford, ont proposé que les candidats aient une autre explication : la contamination de fond par des quasars lointains et poussiéreux.
Ils ont trouvé de fortes sources radio très proches dans le ciel de trois des candidats. Chaque source radio est attribuée à un trou noir supermassif actif au centre d’un quasar lointain et poussiéreux connu sous le nom de « Hot DOG », ou galaxie poussiéreuse et chaude obscurcie. Étant poussiéreux, ils rayonnent dans l’infrarouge et sont assez grands dans le ciel pour s’étendre derrière les candidats à la nuée de Dyson.
Bien qu’aucune source radio coïncidente n’ait été trouvée près des quatre candidats restants, la densité des Hot DOGs dans le ciel amène Ren, Garrett et Siemion à conclure qu’ils sont probablement également une contamination de Hot DOGs, mais ceux-ci sont silencieux en radio.
Mais Garrett n’exclut pas complètement les nuées de Dyson.
« Nous pensons toujours que les sources valent la peine d’être poursuivies avec de nouvelles observations à travers le spectre électromagnétique pour voir quelle interprétation est correcte », dit-il à Physics World.
JWST à la rescousse ?
D’autres mauvaises nouvelles pour les candidats viennent de la recherche de nuées de Dyson de Cody, qui a utilisé le Transiting Exoplanet Survey Satellite (TESS) de la NASA pour rechercher des transits anormaux qui pourraient potentiellement signaler de grandes structures artificielles.
« Notre pipeline de photométrie optique n’a pas classé les candidats à la sphère de Dyson comme ayant une quelconque variabilité anormale », déclare Cody. « En fait, j’ai personnellement examiné les données TESS disponibles pour chacun des sept objets de cet article, et aucun d’entre eux ne semble être significativement variable. »
Pour régler la question, Suazo, Garrett et Cody conviennent tous que des observations spectroscopiques sont désormais vitales. Si de la poussière est présente, soit dans un disque soit dans une galaxie de fond, elle produirait des lignes d’absorption spécifiques. Alternativement, la spectroscopie pourrait mesurer la distribution d’énergie de la photosphère d’une étoile candidate (sa surface visible) afin qu’un modèle de meilleur ajustement puisse être appliqué pour déterminer si un candidat est réellement cohérent avec une nuée de Dyson.
« Les données du télescope spatial James Webb seraient idéales, car elles pourraient rapidement exclure ou confirmer les explications du disque de débris ou de la contamination de la galaxie », déclare Suazo.
Si l’explication des Hot DOGs s’avère correcte, cela laisse la chasse aux nuées de Dyson dans une situation difficile. Un excès infrarouge est la signature d’une nuée de Dyson, mais si la contamination par des galaxies de fond est la réponse probable à chaque fois, comment distinguer les mégastructures artificielles des phénomènes naturels ?
« C’est une bonne question », déclare Garrett. « Les Hot DOGs seraient détectés dans des observations profondes en proche infrarouge. Il pourrait également y avoir des aspects subtils des données qui seraient un signe révélateur de contamination – nous allons commencer à examiner cela maintenant. »
Après avoir déjà sondé 60 millions d’étoiles, la recherche de Cody continue et son équipe vérifie encore environ mille événements qui sont probablement des binaires éclipsant, mais on ne sait jamais.
Pour Cody, une approche multifacette est essentielle dans la chasse aux nuées de Dyson. « Avec les seules données photométriques, il peut être difficile de distinguer entre des phénomènes astrophysiques rares et des nuées de Dyson », dit-elle. « Cependant, je crois que les données spectroscopiques optiques et infrarouges peuvent aider à la tâche. »
Ce que j’en pense…
Les sphères de Dyson sont des constructions hypothétiques, et il faudrait transformer une quantité de matière extraordinaire pour les réaliser.
C’est exactement ce que dit l’article.
Le rendement énergétique d’une telle entreprise me semble assez incertain, si l’on se dit qu’il faut démanteler une planète entière, en extraire ses minéraux, et façonner les différents éléments, soit les capteurs d’énergie, les convertisseurs en énergie électrique, les composants permettant de transférer cette énergie et les circuits électronique d’appoint.
Je peine quand même avec cette idée.
Il serait préférable de travailler sur des circuits et des systèmes d’énergie consommant le moins possible, en utilisant les techniques que nous-mêmes mettons au point.
Un exemple classique est la puissance de calcul de notre cerveau humain par rapport à l’énergie qu’il consomme : Nous sommes encore très loin d’atteindre cette optimisation avec nos processeurs actuels.
Un autre exemple avec la technologie naissante de la fusion nucléaire : nous pourrons prochainement générer de grandes quantités d’énergie avec un impact environnemental limité.
J’ai une mini sensibilité écologique, et je crois que les civilisations avancées progressent en maîtrisant leur développement et leur impact sur leur environnement. Et pas en détruisant des planètes…
Au final, l’inspiration de la sphère de Dyson n’était pas forcément de capter l’énergie d’une étoile, mais de produire l’énergie comme une étoile, ce qui semble infiniment plus atteignable dans notre futur technologique.
Peu importe, l’observation scientifique est fondamentale, elle permet de découvrir des choses auxquelles nous n’aurions jamais pensé, et c’est le plus important.